Now, I... le making of

Now, I...  le making of

 

 

 

   Jean-Yves Bresson: Now, I...  (2008).                         Acrylique sur toile (100 x 150) 

 

 

 

Je voulais peindre ce que l'on éprouve quand on se tourne vers l'intérieur de soi-même. Ce sont des moments où le temps est comme figé, chaque seconde semblable à la précédente et à la suivante. On vit également cela quand on est amoureux. C'est une interaction particulière entre le Temps (Now) et soi (I...).

Le dessin est complexe. J'avais réalisé des esquisses sur papier avant de commencer la peinture: quatre profils, de la même personne, deux tournés la gauche (le passé) et deux vers la droite (le futur). Il se suivent dans l'ordre alterné gauche-droite-gauche-droite, de sorte qu'au centre du tableau deux nez se font face. L'espace vertical compris entre ces deux nez est très important; c'est le centre du tableau, et les deux profils qui se font face semblent regarder vers cet espace mystérieux, précisément comme si le personnage regardait à l'intérieur de lui-même. J'ai placé là un toisième oeil, celui avec lequel on regarde à l'intérieur de soi.

Les yeux jouent un rôle primordial dans le tableau. Leur prunelle est un masque qui regarde vers l'extérieur. C'est comme si le personnage avançait masqué pour ne pas montrer qui il est vraiment, par une sorte de discrétion ou de pudeur. Ces deux masques, celui de gauche regardant à gauche et celui de droite à droite, se retrouvent et s'assemblent dans le troisième oeil pour regarder ensemble dans les profondeurs du monde intérieur, les deux masques réunis formant un visage vu de face, qui symbolise l'unité, l'identité de l'individu, l'unicité du personnage (I...) dans ce temps qui se fige (Now).

De même qu'il réunit les deux masques, le troisième oeil réunit aussi les deux grands profils nez à nez du personnage. Si l'on regarde l'oeil de gauche et le troisième oeil, en les considérant comme les deux yeux d'une personne vue de 3/4 de face, apparaît un visage rouge carmin. De même, le troisième oeil et l'oeil de droite sont les yeux d'un visage rouge grenat vu de 3/4 de face. Ces deux visages sont très proches l'un de l'autre, ils se touchent au niveau du troisième oeil, pourtant ils sont diférents: celui de gauche est un garçon carmin, et celui de droite une fille grenat. Deux âmes soeurs.

La difficulté était de rendre simple, évident, ce schéma compliqué. C'est pour cela que je peins: pour qu'on voie d'un seul coup d'oeil ce qui nécessite toutes ces explications. La solution est venue tout d'abord de l'utilisation massive du blanc (la pureté qui convient à la pudeur), et d'une seule couleur, le rouge dans deux nuances (carmin et grenat). Donc une grande économie de moyens. Mais c'est surtout la réalisation très spontanée, naïve comme la peinture d'un enfant, qui donne au tableau tout son charme et son mystère. Pour le faire, je me suis obligé à n'utiliser qu'une technique primitive, en posant la toile à plat sur le sol et en versant la peinture avec un petit pot à lait que l'on utilise pour le thé. J'ai ensuite ajouté de l'eau sur la toile elle-même pour obtenir les zones plus transparentes. La liquidité de la peinture concourt largement au sentiment d'unité qui se dégage de ce tableau pourtant si multiple.

Now, I... est le premier de mes multiples. Pour la première fois, dans cette toile, j'ai atteint une liberté d'éxécution, et un style à mi-chemin du figuratif et de l'abstrait qui résultent d'années de travail dans les deux domaines, à la suite de quoi je pouvais finalement tout oublier et repartir à zero, d'un oeil totalement neuf.  

 

 

 

 

 

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